Entretien : « Impliquer le visiteur dans distinction ni rapport hiérarchique, en privilégiant l’échange »

- vendredi 16 juin 2017
- Usages du numerique
- Marielle ROSSIGNOL
Roxane, Fanny, Séverine et Rahmouna sont médiatrices culturelles au CRAC et au MRAC Occitanie. Nous leur avons demandé de choisir une oeuvre et de nous parler de ses contraintes en termes de médiation culturelle.
Quelles sont vos missions ?
Dès l’accueil, nous permettons aux visiteurs d’aborder au mieux le lieu et le travail des artistes. Dans les espaces d’expositions nous réalisons une médiation adaptée en formulant des hypothèses à partir des questions du public et en lui apportant des éclairages et des clés de lectures sur les oeuvres.
Notre rôle consiste à impliquer le visiteur sans distinction, ni rapport hiérarchique et en privilégiant l’échange. Pour cela, nous nous informons constamment sur l’histoire et l’actualité de la création. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Service des Publics pour le développement des outils et actions.
Pourriez-vous nous donner un exemple de médiation que vous avez effectuée et nous décrire l’oeuvre concernée ?

L’artiste s’est approprié des oeuvres emblématiques de l’histoire de la peinture. En collaboration avec des élèves de l’Atelier de scénographie de l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg, il a filmé une vingtaine de tableaux reconstitués in vivo sur un plateau de tournage et en a dégagé des photographies à la beauté plastique troublante comme ce visage délicat, citation directe du célèbre portrait La jeune fille à la perle de Vermeer. L’aura de ce chef-d’oeuvre est telle que les accessoires (turban et perle) et l’éclairage nous permettent de l’identifier immédiatement. Cette oeuvre a été choisie comme point de départ d’une visite au cours de laquelle nous réalisons un atelier en salle.
Quels ont été les enjeux du dispositif que vous avez mis en place pour celle-ci ?
1- La visite : Nous axons la visite autour des notions de détournement, de citations, de réappropriations en histoire de l’art, avec l’appui de tablettes numériques, sur lesquelles nous pouvons montrer des visuels qui viennent appuyer et enrichir notre propos.
2- L’atelier : La finalité de l’atelier est de reproduire physiquement des oeuvres d’art célèbres : des portraits (individuel ou de groupes), qu’ils s’agissent de peintures (ex. La Joconde) ou de sculptures (ex. Le Penseur).
Les participants sont invités à imiter la posture, les gestes, les attitudes, le regard des personnages et la composition. Ils plongent également dans la peau du metteur en scène en étant acteurs de la prise de vue. En fonction des groupes et du nombre de visites programmées, deux versions ont été pensées : Une version courte (en une séance de 1h30) dont la finalité est uniquement la mise en scène, la pose et la prise de vue, et une version longue où s’ajoute à la première séance la création d’un livret.
Quelles difficultés avez-vous rencontré et comment les avez-vous surmontées ?
Une des premières contraintes liées à cet atelier est le risque lié à la sécurité des oeuvres, l’encadrement du groupe et la gestion du temps, d’où le choix de le réaliser avec des groupes en petits effectifs (maximun 10).
Une autre difficulté était de trouver comment impliquer la totalité du groupe au moment des prises de vues, l’idée a été d’attribuer un rôle à chacun : metteur en scène, accessoiriste, cadreur, photographe, costumier, coiffeur…
Comment le public a-t-il réagi ?
Quel que soit l’âge, le public est très enthousiaste à l’idée de travailler à partir d’oeuvres très connues. Il se met automatiquement en place un jeu de devinette sur les artistes et les titres des oeuvres présentées. Ensuite, le public se prend rapidement au jeu pour cette expérience singulière. Et les participants s’engagent avec tout autant de plaisir dans les différents rôles proposés. Ils trouvent que cette proposition d’atelier est différente de ce que l’on peut expérimenter habituellement sur un format plus normé, très vivant, collectif et ludique.
Propos recueillis par Jennifer Ratet